jeudi 22 octobre 2015

Essonne: La posture des majors de l'eau "coupable mais jamais responsable" , enfin sanctionnée par la justice


 Un arrêt du 17 septembre 2015 de la Cour d'appel de Paris condamne Véolia

Débouté en première instance, un Essonnien victime d’'une eau impropre à la consommation a obtenu gain de cause devant la cour d'’appel de Paris, pour faire condamner Veolia. L'’opérateur de l’'eau doit lui verser 12.560 euros de dédommagement. Une première selon l’'Association France assainissement eau (AFAE)


Résumé de l'affaire


M. Orsini est propriétaire d'une maison dans le département de l'Essonne à
Abbeville-La-Rivière, 2 route de Fontaine. Il a rencontré depuis plusieurs années des
problèmes avec la qualité de l'eau qui lui était fournie.


C'est dans ces conditions qu'il a fait assigner le 19 Janvier 2012 la société Veolia
Eau – compagnie générale des eaux pour dommages et intérêts et pour obtenir une
injonction de prendre les mesures nécessaires pour assurer la fourniture d'une eau potable.

M.Orsini est propriétaire d'une maison dans le département de l'Essonne à
Abbeville-La-Rivière, 2 route de Fontaine dont la distribution d'eau est assurée par la
société Veolia - Eau.
Au titre d'abonné, il est confronté depuis plusieurs années à la fourniture d'une eau non conforme aux standards en vigueur ainsi que le révèlent les différentes analyses effectuées entre 2007 et 2012 ; il a formé appel de la décision rendue en première instance en ce que la responsabilité de la société Française de distribution d'eau (ci après dénommé SFDE), venant aux droits de la société Pichon, bénéficiaire par délégation par affermage du service d'eau potable sur le territoire du Syndicat intercommunal des eaux du plateau de Beauce (ci après dénommé SIAEPB)et celle de la société Veolia Eau n'ont pas été retenue par les premiers juges ;

Sur l'origine de la non-conformité aux normes en vigueur de l'eau fournie


Il n'est ni contesté ni contestable, au regard des résultats d’analyse des divers
laboratoires Cofrac et Gde en date des 20 septembre 2007, 17 décembre 2008, puis des
expertises de l'ARS du 19 août 2011 et 30 mai 2012, que les prélèvements analysés
présentaient des caractéristiques physicochimiques non conformes aux limites et références
de qualité des eaux brutes et des eaux destinées à la consommation humaine définies par
l'arrêté du 11 janvier 2007 et par le code de la santé publique comme pouvant
directement représenter un danger pour la santé humaine.

Il n'est également ni contesté ni contestable que l'origine de ce problème a été
rapidement identifiée et que, dans sa lettre du 20 juillet 2011, Veolia écrit à M. Orsini qu'il
est alimenté en bout de circuit par une antenne non maillée ce qui explique d'éventuelles
eaux stagnantes, que suite à une première intervention en 2009, il a été remis au président
de la SIAEP une proposition d'installation de plusieurs purges automatiques, et que la
société est en attente de l'acceptation par le Syndicat du Plateau de Beauce de cette
proposition technique.
La SFDE, qui est liée au SIAEPB par un contrat d'affermage et Veolia Eau exposent que le SAIEPB a fait procéder aux travaux d'installation en janvier 2012 de 300m linéaires
de canalisation pour connecter le réseau de la commune de Abbeville la Rivière à celui de
Fontaine la Rivière et a procédé à l'installation d'une vanne électrique qui permet la purge
automatique de la canalisation ;

Si aucune pièce n'est versée au débat sur la réalisation de ces travaux, ils ne sont pas
contestés et le résultat est positif puisque les analyses du 14 décembre 2012 présentent une
teneur en fer conforme et aucune trace de nickel. Il en résulte que M.Orsini a été alimenté de 2008 à 2012 d'une eau qui ne présentait pas les qualités auxquelles il pouvait prétendre.

Sur la responsabilité de la SFDE et Veolia Eau au regard des contrats en cours


Aux termes du contrat d'affermage en son article 1.3 : Objet et étendue de la
délégation il est stipulé :
« La collectivité confie au délégataire le soin exclusif d'assurer à ses risques et
périls la gestion et la continuité du service public de la distribution de l'eau potable à
l'intérieur du périmètre de la délégation.
Cette clause d'exclusivité ne concerne pas les travaux neufs.
La gestion du service public inclut l'exploitation, dont notamment l'entretien et la
surveillance des installations, la réalisation des travaux mis à la charge du délégataire,
ainsi que les relations avec les usagers du service. »

Aux termes de l'article 1.5 dudit contrat : Responsabilité du délégataire, il est stipulé :
« Le délégataire est responsable du bon fonctionnement du service. Le délégataire
est responsable tant vis à vis de la collectivité que vis à vis des tiers des dommages
occasionnés par le fonctionnement du service délégué, y compris du fait de la qualité de
l'eau.
La responsabilité du délégataire recouvre notamment :
- vis à vis de la collectivité et des tiers, l'indemnisation des dommages corporels, matériels immatériels et financiers qu'il est susceptible de causer lors de l'exercice de ses activités telles que définies par le présent contrat.
La responsabilité civile résultant de l'existence des ouvrages dont la collectivité est
propriétaire incombe à celle-ci. »

Enfin, aux termes de l'article 6.4 dudit contrat : Qualité de l'eau :
« L'eau distribuée doit respecter les critères de qualité imposés par la réglementation en vigueur.
Le délégataire doit respecter la qualité de l'eau distribuée aussi souvent que nécessaire (…).
Il est toujours responsable des dommages qui pourraient être causés par la mauvaise qualité des eaux, sauf pour lui à exercer les recours de droit commun contre les auteurs de la pollution. »

De l'analyse des faits et des termes du contrat liant le syndicat intercommunal des eaux du Plateau de la Beauce et la société Pichon aux droits de laquelle vient la société
Française de distribution d'eau et du contrat d'abonnement liant M. Orsini à Veolia Eau, il
ressort que le délégataire est toujours responsable de la qualité de l'eau et de la réparation
des dommages causés (article 1.5 et 6.4 du contrat ) ;

Si M. Orsini a diligenté dans son immeuble une analyse le 5 août 2008 par le laboratoire GDE constatant la non-conformité de l'eau, il a alerté la société Veolia Eau avec laquelle il a contracté et à laquelle il règle ses consommations d'eau par courriel le 8 juin 2011 ; que la société Veolia n'a pas contesté ces problèmes de qualité rendant l'eau fournie impropre à la consommation, offrant à M.Orsini de déposer un pack de bouteilles d'eau devant sa porte ;

La société Veolia Eau lui a répondu le 20 juillet 2011 en trois points :
- En faisant valoir la prise de mesures provisoires (purges régulières en 2009, 2010,
2011 ).
- En rappelant que, lors de leur première intervention en 2009, la société avait identifié
l'origine du dysfonctionnement et remis au président du SIAEPB une proposition
d'installation de plusieurs purges automatiques sur le syndicat dont ce point noir, purges
automatiques qui permettraient de résoudre ce problème d'eau stagnante.
- En précisant : « a ce jour nous n'avons pas eu de retour. Nous venons de refaire
part de votre problème pour accélérer la pose d'une purge automatique en bout d'antenne.
En attendant l'acceptation par le Syndicat de notre proposition technique, nous nous
engageons à effectuer une purge mensuelle pour éviter tout nouveau désagrément.

Il résulte de ces éléments que, tant la société Veolia que la SFDE, ont relevé pendant
trois ans les anomalies signalées par M.Orsini sans y remédier de façon efficace avant 2012.

En conséquence, la SFDE, au visa des articles du contrat d'affermage ci dessus
rappelé, se trouve responsable vis à vis des tiers de la qualité des eaux fournis, notamment
au regard de l'article 6.4, ainsi que Veolia Eau au titre du contrat d'abonnement souscrit par M. Orsini, étant par ailleurs démontré, notamment dans son courrier du 20 juillet 2011, que la société Veolia Eau s'est trouvée au coeur de la résolution de cette affaire par sa
connaissance du dossier, ses interventions techniques et sa demande d'autorisation de
travaux auprès du président de la SIAEPB (article 2.7 du contrat modification des
installations à l'initiative du délégataire) ;

En effet, l’abonné est en droit d'exiger que l'eau du service public soit potable et
propre aux divers usages auxquels elle est employée, ainsi que le rappelle la
recommandation n° 85 -1 de la Commission des clauses abusives relative aux contrats de distribution de l'eau qui relève :

« que, quelque soit le mode juridique de distribution, les relations entre l'usager et
le service chargé de la distribution d'eau communément appelé « service des eaux », résulte d'un contrat d'abonnement appelé « règlement du service des d'eau » et que ce contrat se trouve, du fait de sa nature même, soumis au régime de droit privé, que sa responsabilité est régie par les règles de la responsabilité civile, que l'obligation de fournir une eau propre à la consommation humaine est une obligation de résultat qui procède des règles d'ordre public qui ne cède que devant la preuve d'une impossibilité d'exécution due à un cas de force majeure ».

En l'espèce, la non-conformité de l'eau n'était pas un événement inévitable, irrésistible, insurmontable puisqu'il trouvait sa cause dans un problème technique parfaitement identifié tant par la société Veolia que par la SFDE et pour lequel il existait une solution dont la réalisation a seulement tardé ;

Il s'ensuit donc que la société Veolia et la SFEDE ont manqué à leur obligation qui est une obligation de résultat ;

Sur la réparation du préjudice


Aux termes de l'article 6.4 dudit contrat : Qualité de l'eau :
« L'eau distribuée doit respecter les critères de qualité imposés par la réglementation en vigueur. Le délégataire doit respecter la qualité de l'eau distribuée aussi souvent que nécessaire (…).
Il est toujours responsable des dommages qui pourraient être causés par la mauvaise qualité des eaux, sauf pour lui à exercer les recours de droit commun contre les auteurs de la pollution » ;
Il n'est pas contestable que M. Orsini n'a pu utiliser l'eau distribuée ni à fin de consommation, ni d'hygiène, ni alimentaire alors qu'il s'agit d'un élément essentiel pour la
jouissance normale d'un pavillon d'habitation ; la durée d'occupation du pavillon par
M.Orsini ne saurait lui être opposée dès lors que le défaut d'eau consommable et même
utilisable en termes d'hygiène constituaient à l'évidence un obstacle à celle-ci ; dès lors, son
préjudice de jouissance qui est certain, direct et personnel, sera fixée à 30 % de la valeur
locative de son pavillon ;

Si les intimés contestent tout principe de responsabilité sur des bases inopérantes
ainsi qu'il a été démontré, ils proposent à titre subsidiaire que le préjudice de jouissance soit évalué sur la base d’une location évaluée à 450 € mensuel alors que M. Orsini estime cette valeur à 892,23 € en se fondant sur des annonces parues sur le site Seloger.com ; il convient de relever que cette annonce concerne des pavillons neufs situés en centre ville à proximité de la gare RER alors que celui de M.Orsini est ancien et situé à plus de 10 kilomètres de la gare RER ; prenant en compte ces éléments la Cour fixera à 700€ la valeur locative de référence et en conséquence le préjudice de jouissance subi par M.Orsini à compter de l'année 2009, préjudice prenant en compte le paiement par celui-ci des factures de consommation d'eau, et le fixera à 700 € x 0,30 x 12 x 3 soit 7 560 € ;

M Orsini prétend avoir subi un préjudice moral en raison notamment de la présence
au foyer d'un enfant en bas âge né le 8 mai 2011 (2 ans à l'époque des faits )et l'inquiétude
liée à la santé de celui ci ; Il ne conteste toutefois pas que l'occupation du pavillon a été
ponctuelle de sorte qu'il y a lieu de limiter ce chef de préjudice à la somme de 1 000 € ;

la décision de la cour d'appel


LA COUR, statuant publiquement contradictoirement et en dernier ressort ;
CONDAMNE in solidum la Société Française de Distribution d'Eau et la société
Veolia Eau in solidum à payer à M. Orsini la somme de 7 560 € augmentée des intérêts au
taux légal à compter de la mise en demeure du 8 juin 2011.
CONDAMNE la société Française de Distribution d'Eau et la société Veolia Eau
in solidum à payer à M. Orsini la somme de 1 000 €.
CONDAMNE la société Française de Distribution d'Eau et la société Veolia in
solidum in solidum à payer à M. Orsini la somme de 4 000 € au titre de l'article 700 du
nouveau code de procédure civile.
CONDAMNE la société Française de distribution d'Eau et la société Veolia Eau aux
dépens qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 600 du code de
procédure civile.

pour en savoir plus sur l'action de l'AFAE : site de l'AFAE




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