vendredi 4 janvier 2013

Donner le change...pour ne rien changer: l'édifiante histoire de Mantes-en-Yvelines

 A Mantes, la reconduction pour l'éternité du contrat de Véolia prend l'eau
Notre réunion publique du 13 octobre dernier à Brétigny s'est conclue par  un exposé passionnant de Maurice Martin , président de l'AREP-CAMY(association pour la Retour de l'Eau en régie Publique dans la Communauté d'Agglomération de Mantes en Yvelines) .
Exposé retraçant le combat d'un petit poucet associatif, face au tir de barrage des responsables de l'Agglomération et de Véolia pour préserver la main-mise ce cette dernière sur la gestion de l'eau. Un exposé riche d'enseignements pour les Valdorgiens qui doutent aujourd'hui de la possibilité de remettre en cause l'emprise de la Lyonnaise des Eaux sur notre eau potable:
Pour savourez l'intégralité de cette intervention , cliquez ici:

 Que peut-on en retenir?
Tout d'abord, nos amis  nous montrent qu'on peut mettre en échec une volonté de confiscation du débat  public sur l'eau  pour le confier à des spécialistes "grassement payés",  au prétexte qu'il s'agit d'une question trop complexe pour des usagers ignares . A Mantes, une mobilisation citoyenne , relayée par une campagne de presse et un travail patient d'investigation ont obligé les dirigeants de l'Agglo et de la multinationale à s'expliquer et à admettre le caractère injustifiable des tarifs payés par les usagers. Dans l'attente de gagner la  reprise en régie, ce travail citoyen de mise en lumière des anomalies des contrats en cours a permis  des acquis substantiels: baisse de 71 % de l’abonnement, baisse de 55 % de la tranche 1 (49 premiers m3) de l’eau potable, assurance gratuite en cas de fuite, utilisation  de 3,5 M d’€ (déjà provisionnés) pour payer le remplacement des branchements au plomb sans surcoût pour l'usager

- Ensuite, l'expérience mantoise est un cas d'école du mode opératoire des dirigeants politiques qui veulent préserver la main mise des multinationales sur la gestion de l'eau , que ce soit par conviction politique ou par résignation à un modèle de société soumis à la quête du profit:
.1°/ Première règle, compte tenu du discrédit  dans l'opinion de la gestion et de la tarification privée de l'eau , ne surtout pas afficher sa volonté de préserver cette privatisation, dire qu'il s'agit d'une question uniquement  technique et donc de choix de l'opérateur la plus efficace.
2° /Rabâcher qu'il s'agit d'une question hors de la portée des citoyens ou leurs associations, et même des fonctionnaires des collectivités, devenus incompétents après tant d'années d'abandon au privé, ce qui implique de recourir à prix d'or à une société privée pour se forger un avis éclairé.
3°/ Ensuite,  pour éviter toute bavure, axer le  mandat  de la société choisie sur  l'analyse des contrats en cours ou sur l'aide à la renégociation, et n'évoquer l'hypothèse d'un retour en régie que de façon subsidiaire.
4°/Enfin,  faire preuve d'assez de transparence sur les surfacturations relevées dans l'audit et d'assez de sérieux pour obtenir des baisses de prix correspondantes,  pour faire passer la pilule de la reconduction du contrat en vigueur: lâcher tout ce qui est possible pour sauvegarder l'essentiel.

Mais pour qui roule donc  SP 2000?

Dans le cas de Mantes, c'est la société anonyme simplifié (SAS) "Service public 2000" qui a été retenue pour cette opération d'enfumage ( avec, pour commencer, cette dénomination  "service public" pour brouiller les pistes, de la part d'un cabinet à but très lucratif).
Cette SAS SP 2000 est l'héritière de l'association du même nom créée en 1996 par les dirigeants d'alors de la FNCCR (fédération nationale des collectivités concédantes et en régie) et de l'AMF(association des maires de France). Il s'agissait alors de restaurer une image singulièrement ternie, après "le pacte de corruption " entre Carignon, Maire de Grenoble, et la Lyonnaise des eaux : une affaire ayant révélé l'allégeance et même la subordination de maints élus locaux aux désidérata des "majors privés" de la gestion de l'eau. Le 20 juillet  2006, le Conseil Constitutionnel exigeait la démission des 2 parlementaires UMP coprésidents de SP 2000, au motif de l'incompatibilité de leurs mandats électifs avec les activités lucratives de cette société sur le marché des collectivités locales. Depuis, la SAS SP 2000 ambitionne de récupérer le maximum d'audits financés avec nos impôts, en s'érigeant en spécialiste des liaisons public-privé , notamment sur le créneau très contesté des  PPP (partenariats publics-privé)s. C'est aussi elle qui vient d'être retenue par les dirigeants de l'Agglomération du Val d'Orge.

Sur le créneau de la gestion de l'eau, elle apparait en mesure d'ajuster ses préconisations au gré des attentes de son commanditaire...:  A Annonay ou Saint-Brieuc, elle a validé et accompagné la volonté des élus de privilégier la régie. A Quimper ou à Mantes en Yvelines, par contre,pour le compte  d'élus réticents au retour en régie, SP 2000 n'est pas fait prié pour "démontrer" le coût exorbitant de ce retour  (au mépris  de tous les exemples connus de retour en régie en France prouvant le contraire). A Mantes,  le rapport de SP 2000 a présenté comme extraordinairement difficile le retour en régie . « En cas de retour en régie, 40  emplois ETP seront nécessaires au lieu de 33 en gestion privée »du fait, explique SP 2000, d'une moindre mutualisation des tâches. Achat de véhicules supplémentaires, investissements initiaux lourds, coût de lancement... L’audit multiplie les arguments défavorables à la régie. Sa conclusion: « L'analyse de la reprise de l'intégralité du service en régie montre que le surcoût par rapport à la délégation serait très important. ».
L'AREP-CAMY a récusé dans un mémorandum  point par point à ces arguments et rappelle qu'une centaine de collectivités, dont Paris, Grenoble, Rouen, sont revenues récemment à une régie publique.
La lecture des 6 pages de ce mémorandum est fort instructive quant aux prestations et au parti-pris  de SP 2000. Pour le faire , cliquez ici:
http://fr.scribd.com/doc/114515658/Memorandum-AREP-CAMY
 
Sauve qui peut les profits!
Reste que, quelle que soit la commande qu'il reçoit, il importe pour SP 2000 de ne pas mettre en péril la position dominante des marchands d'eau. Malgré ses belles proclamations d'indépendance à leur égard, le PDG de la société, Loïc Mahévas n'a pu réprimer son inquiétude face aux menaces de réduction des marges de profits des multinationales. Lors d’un colloque le 20 octobre 2011, il s'est insurgé contre des «offres anormalement basses »  annonciatrices de dégradation du service et du patrimoine. Constatant  une baisse de 20 % du prix du service proposé par les délégataires, sur les renouvellements de contrats d’eau et d’assainissement qu'elle a accompagné depuis 2009, le cabinet  évoque une « délégation de service public low cost" jugeant cette hyperconcurrence "préoccupante": « Comment les prix peuvent-ils baisser alors même que les exigences des autorités délégantes se renforcent et que leur non-respect donne lieu à pénalités? », s’est interrogé Loïc Mahévas. 
Cette défense des profits des opérateurs est apparue si outrageusement partisane que même ces derniers ont préféré s'en démarquer. Tristan Matthieu, président de la commission économique de la FP2E (Fédération professionnelle des entreprises de l’eau), qui représente les entreprises délégataires, a  préféré voir dans ces baisses de prix de la part des délégataires « un signal positif dont vont bénéficier les collectivités comme les consommateurs »,(cf article de la gazette des communes du 21/10/2011)