samedi 20 septembre 2014

Grèce: Une convergence efficace entre mobilisation citoyenne et bataille juridique fait reculer le Gouvernement et la Troïka sur la privatisation de l'eau


Il n'est pas trop tard pour faire écho aux bonnes nouvelles qui nous sont arrivés de Grèce cet été. Nos médias dominants , totalement dédiés à promouvoir la résignation et la désespérance face à la casse des services publics, se sont en effet bien gardés de relayer ces informations.

Rappelons le contexte : comme condition de l’aide financière apportée par la « troïka » (Union européenne, Banque Centrale européenne, FMI), la Grèce s’est vue imposer des mesures d’austérité drastiques et la privatisation de plusieurs entreprises publiques. Parmi celles-ci, les compagnies de l’eau d’Athènes et de Thessalonique – deux entreprises rentables que personne, localement, ne souhaitait voir passer sous le giron du privé.

le  18  Mai, à Salonique , deuxième ville du pays par sa population et par importance, les citoyens ont pu exprimer aussi leur avis sur la décision prise par le gouvernement de privatiser la Société hydrique et de solder ainsi l'eau à quelque entreprise privée, éventuellement quelque multi-nationale étrangère, de celles qui  se sont enrichies ces dernières années en mettant les mains, à des prix au rabais, sur un bien commun d'importance fondamentale.

98 % de non à la vente de l'eau public aux entreprises privées

Nonobstant les menaces du gouvernement qui à la veille du scrutin, avait déclaré illégitime la consultation en menaçant de rétorsions ses organisateurs, le résultat du référendum a été impressionnant, avec 98% de 'non' à la décision de vendre l'eau publique aux entreprises privées.


Ce résultat de Salonique est important : après les mobilisations massives réussies en Italie, à Madrid, à Berlin, contre la privatisation de l'eau, il s'agit d'un formidable  acte de désobéissance de masse aux décisions du gouvernement hellénique et adressée aux entreprises privées candidates au rachat de la compagnie de Thessalonique : en première ligne, la multinationale française Suez-Lyonnaise, toujours prête quand il s'agit d'utiliser les profits amassées sur notre dos pour faire mains basses sur l'eau potable d'autres pays et la société israélienne  Mekorot, sinistrement célèbre pour ses pratiques de détournement et de vol de l'eau des territoires occupés palestiniens.

 

La justice grecque met son veto à la privatisation de l'eau de la capitale

Dans un premier temps, le gouvernement Samaras a fait savoir que ce résultat n'a aucune valeur légale (au motif que selon la loi seuls sont valables les référendums sur les mesures gouvernementales accompagnés d'un décret présidentiel ou par une majorité de parlementaires). Mais il a préféré attendre
l'avis du Conseil d'Etat sur la constitutionnalité de la privatisation de la compagnie publique des eaux d'Athènes.
Cette décision, fin Mai, a constitué un cinglant échec pour le gouvernement mettant son veto à la privatisation de la régie athénienne. Dans son arrêt, le Conseil d’Etat a estimé que :
«la transformation d’une entreprise publique en entreprise privée ayant pour objectif le profit fait peser une incertitude sur la continuité de l’offre de service public abordable et de qualité».
Cette décision a redonné le moral aux employés d’Eyath, a compagnie publique de Thessalonique : «S’il est contraire à la Constitution de privatiser l’eau d’Athènes, pourquoi en serait-il autrement à Thessalonique ?»
A la suite, courant juillet, c'est au tour du tribunal d’Athènes d'enjoindre HRADF (le fonds privé, chargé en Grèce de la vente des biens publics), de répondre à la demande d'information présentée par “l’UCE (Union Citoyenne pour l’Eau)”, branche du syndicat des coopératives de l’eau de Thessalonique, créée par Initiative K136, pour obtenir 51 % des parts dans EYATh, la compagnie publique d’eau de Thessalonique, au nom des citoyens.

Par trois fois, HRADF avait refusé de donner des informations sur les processus de privatisation, sous prétexte qu’elles étaient réservées aux éventuels acquéreurs privés. Le tribunal d’Athènes juge que HRADF ne peut se réclamer de son statut d’entreprise privée et doit se soumettre à une certaine transparence, ainsi que l’impose la décision de la Cour Européenne de Justice du 19/12/2013 Case Fish Legal dictant que « l’accès à l’information sur l’environnement, l’eau, l’assainissement et la privatisation de ce secteur, dans le cas où des compagnies privées ont reçu une délégation de l’Etat pour réaliser ces travaux dans le cadre du « service public » doit être facilité. »

Le gouvernement fait machine arrière

Résultat, la décision annoncée le 14 juillet 2014, à l'issue de discussions entre le premier ministre Antonis Samaras, le leader de la coalition gouvernementale Evangelos Venizelos et deux ministres clefs, de ne pas privatiser les compagnies grecques publiques de distribution d’eau et d’assainissement. Cette décision qui tire les conséquences de l'arrêt du conseil d’Etat sur la compagnie publique d'Athènes s’applique également pour Thessalonique.

Ce virage à 180° démontre la dynamique gagnante de l’exigence populaire de voir l’eau reconnue comme un bien public, à protéger de la convoitise des chasseurs de profits.

Il est grand temps que les dirigeants de l'agglomération du Val d'Orge, intoxiqués par des décennies de domination des entreprises privées, donnent enfin la parole à leurs électeurs pour se ressourcer et cesser leurs ronds de jambes.

Vite, une consultation publique sur la création d'une régie publique pour l'eau du Val d'Orge!

(sauvez l'eau en grec)

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