Le conseil d'administration (CA) du 23 mai avait à son ordre du jour les conventions d'achat d'eau en gros de l'eau potable nécessaire à l'approvisionnement des 10 communes couvertes aujourd'hui par la régie.
Il n'y avait guère
de bonne surprise à espérer sur ce point, dans la situation de
monopole qui caractérise la production de l'eau en nord Essonne;
Résultat, on prend les même et on recommence, à savoir :
Une convention est
signée avec Suez pour les 9 communes et 97% du réseau (Brétigny,
Fleury, Le Plessis-Pâté, Morsang , Sainte-Geneviève et Saint
Michel, Villemoisson, Villiers) et une autre avec Veolia pour la 10ème,
Leuville.
Une "négociation"
le pistolet sur la tempe
La convention de
vente signée avec Suez est le fruit de discussions dont la
multinationale a dicté le cadre et les bases
* le cadre, c'est
des entretiens secrets pendant plusieurs mois, dont le Conseil
d'administration de la régie les abonnés ,et les usagers du service
d'eau potable ont été évincés. Si la confidentialité se
comprend dans le cas d'une mise en concurrence de plusieurs
fournisseurs, elle est forcément très avantageuse pour Suez, face
à un acheteur qui ne peut dénoncer sur la place publique le tarif
abusif qui lui est imposé et en appeler au soutien des consommateurs
pour le contester.
* les bases
imposées, c'est tout simplement le refus de Suez de donner des
informations sur le coût fonctionnement de ses usines de
potabilisation d'eau de la Seine , sans autre argument que le fait
que "la loi ne l'oblige pas à le faire "!!! Plus de
mauvaise foi, tu meurs.
Autrement dit, 12
ans après avoir été condamné par le Conseil national de la
Concurrence pour mensonge sur ses coûts de production, Suez persiste
et signe dans son abus de position dominante en refusant de justifier
le tarif qu'il propose: 72 centimes au m3 au début des discussions,
et 69 centimes à la fin, soit 3 centimes concédés pour permettre
au président et directeur de la régie de ne pas perdre la face.
Résumé et commentaire de la Convention d'approvisionnement signée avec Suez (à travers sa filiale à 100% Eau du sud parisien (ESP)
objet | données | commentaires |
durée | 15 ans, interruption possible sans pénalité tous les 5 ans | au début des discussions, nous avions insisté pour que la
convention soit la plus courte possible (2 ou 3 ans) , pour
permettre à la régie de changer de fournisseur au plus tôt .
La durée de 5 ans imposée nous parait excessive compte tenu des
opportunités existantes pour changer de fournisseur dans les
prochaines années |
Coût | part variable de 0,55€ au m3, et part fixe annuelle de 1 195151 euros pour un volume de 8 millions de m3 par an ( équivalent au volume distribué en 2015) |
le tarif total annoncé de 69,5 centimes au M3 correspond à une base de 8 millions de m3 livrés par an. Si nous réduisons notre volume d'achat à Suez grâce à une diversification de notre approvisionnement, il y a un sérieux risque d'augmentation de ce tarif au mètres cube, la part fixe pesant alors sur un nombre réduit de m3. Selon le Directeur de la régie , Gilles Pujol, il sera alors possible de renégocier cette part fixe, mais la convention n'est pas claire à ce sujet. Tout dépendra du rapport de force. |
composantes du prix | la convention est muette sur ce point | Les tarifs fixés par Suez sont dénués de toute référence
économique: A Viry-Châtillon, , pour récupérer la fourniture
d'eau de la régie Eau des Lacs, Suez n'a pas hésité à
proposer un prix (57centimes/m3) inférieur de 19% à celui
qu'elle imposait 3 ans plus tôt! A Savigny sur Orge, fin 2015,
pour obtenir une prolongation de l'engagement d'achat d'eau en
gros de la commune, elle a baissé son tarif de 79 à 67 centimes
le m3. Pour avoir une idée du sérieux de ces tarifs il faut se reporter aux études de l'UFC-Que choisir sur les composantes du coût de l'eau. Des études d'il y a une dizaines d'années , mais qui restent les plus documentées à ce jour). Pour des usines de l'échelle de celles de Suez dans le sud parisien, cette étude aboutit à un coût situé entre 20 à 30 centimes au m3 selon la part des travaux de sécurisation (réservoirs, interconnexions). Rien à voir donc avec le prix de 69 centimes imposé par Suez En Essonne |
Résumé de la convention signée avec Veolia (à travers sa filiale Compagnie des Eaux et de l'Ozone, CEO) pour Leuville (3% des besoins globaux de la régie) :
objet | données | commentaires |
Durée | 19 mois (échéance au 31 décembre 2018 ) ou résiliable ensuite annuellement si la concession de CEO était renouvelée | la durée de la convention laisse à la régie son entière liberté de faire un autre choix pour Leuville à la fin de la DSP entre Veolia et les communes de l'Arpajonnais |
prix | la part fixe est beaucoup plus réduite ( 3980€/an, de
l'ordre de 1,5 centimes au M3) soit un prix de 52,7 centimes auquel s'ajoute 10,8 centimes pour le SIARCE1 soit un total d'environ 63,5 centimes au M3 |
du fait de la propriété publique de la station de captage d'Itteville qui dessert Leuville, il y a un engagement de mise à disposition de toutes les pièces relatives à la tarification et son évolution |
Pouvait-on faire autrement?
Rendant compte des
conventions d'approvisionnement mises au vote , Sylvain Tanguy,
président de la régie a convenu que le résultat des discussions
avec Suez était "le moins mauvais possible" dans le
contexte de la domination de Suez. il a mis en avant le léger rabais
obtenu par rapport au premier tarif proposé, et la réduction des
pénalités dues par la régie en cas de retard de payement.
Il a rappelé une
évidence, à savoir la difficulté d'obtenir de Suez un prix plus
intéressant en l'absence pour la régie de solution alternative en
cas de négociation infructueuse.
Pour
éviter cela, il aurait en effet fallu que les dirigeants de
l'Agglomération du val d'Orge, anticipent plus sérieusement la
création de la régie et la nécessité pour elle de s'affranchir de
Suez pour son approvisionnement en eau .
Les
conditions étaient réunies pour ça , puisque dès Décembre 2013,
les habitants regroupés dans l'atelier-citoyen Eau du Val d'Orge
(préfiguration de notre association) rencontraient les responsables
de la régie Eau de Paris qui confirmaient la faisabilité d'un
raccordement du Val d'orge à l'Aqueduc parisien de la Vanne qui
traverse l'Essonne. Une opportunité dédaignée alors par les
dirigeants de notre agglomération, soit 3 ans de perdu pour
travailler sur cette piste.
L'autre
option était celle du bras de fer, en refusant de céder au
chantage à l'interruption de la livraison
d'eau en cas de refus du tarif imposé par Suez. Une option réaliste,
à condition d'une mobilisation de la population pour arracher à
Suez un tarif plus conforme à la réalité de ses coûts de
productions dans des usines déjà largement amorties.
En
effet, il faut savoir que pour des raisons de sécurité sanitaire,
tous les réseaux d'eau potable sont interconnectés, et que le
Préfet a parfaitement le pouvoir de police d'obliger un producteur
à assurer son approvisionnement.
Dans
un domaine aussi sensible que l'eau potable pour la santé publique,
un producteur même en position dominante ne peut heureusement pas
faire n'importe quoi.
L'idée qu'un autre rapport de force est possible face aux multinationales de l'eau fait son chemin.
Notre
association a voté le 23 mai pour la convention signée
avec Veolia et le Siarce, qui ne fait qu'organiser la continuité
immédiate de l'approvisionnement pour Leuville sans engager
l'avenir.
Par contre alors
que tous les élus communautaires et les 2 autres représentants associatifs
votaient pour la convention avec Suez, nous nous sommes abstenus,
considérant que tout restait à faire pour que notre régie
conquière sa liberté de choix dans son alimentation en eau potable.
Une abstention marquée par 2 regrets et 1 exigence:
* le
regret d'une convention discutée en catimini, pour le plus grand
bénéfice de Suez; En effet, on peut constater que c'est la même chose pour les
négociations commerciales locales qu'à l'échelle mondiale (Cf
l'exemple du TAFTA, le CETA): les prédateurs sont comme les
vampires, ils ont horreur de la lumière et leurs forces s'évaporent
si leurs opérations se mènent au grand jour.
* le
regret d'une convention signée avec Eau du sud Parisien, filiale à
100% de Suez, une manière de cautionner cette coquille juridique
créée par Suez il y a 20 ans pour faire croire à une entité
économique autonome en matière de production d'eau. Et ça, alors
que Suez jongle comme bon lui semble entre ses filiale pour disperser
et masquer ses coûts effectifs.
*
l'exigence de renforcer rapidement la coopération avec
l'agglomération GPS (Grand Paris Sud). Une agglo également dotée
d'une régie publique (qui couvre le territoire de l'ex-agglo d'Evry Centre
Essonne) et dont les intérêts de s'affranchir de Suez sont les mêmes
que les nôtres. 2 Agglos qui réunissent à elles deux plus de 500
000 habitants, soit 40% de la zone desservie par les usines de Suez
dans le sud parisien et qui sont toutes les 2 intéressées par
l'opportunité de s'alimenter en eau de source à partir des aqueducs
de la régie publique d'Eau de Paris.
Autrement dit 2 agglos qui
ensemble, si elles s'en donnent l'ambition politique ont vraiment les
moyens de peser sur les enjeux de l'approvisionnement de l'Essonne en
eau potable.
Nous ne sommes pas seuls
Le caractère isolé
de notre abstention sur la convention adoptée le 23 mai par le
conseil d'administration de la régie ne signifie pas que nos
analyses sont ignorées:
* le constat que la
convention signée porte la marque d'une situation de domination
abusive de suez est majoritairement partagé au sein du CA
* La nécessité et
la possibilité de construire un rapport de force plus favorable ont
été défendues par plusieurs élus,
* C'est la même
chose pour l'objectif d'une coopération renforcée avec
l'agglomération GPS
En résumé, des
évolutions encourageantes, mais qui auront besoin encore et toujours
d'une implication et d'une exigence maximales des habitants pour de
venir réalité.
1 SIARCE: Syndicat
intercommunal d'aménagement , de rivières et du cycle de l'eau qui
a absorbé le Siere Syndicat entre Rémarde et Ecole en charge de
l'eau potable pour les communes de l'Arpajonnais et pour Leuville
(par DSP avec Veolia)